À cette époque, un voisin s'en vint trouver Oumar Fâno : « Comment ! lui dit-il, tu gardes près de toi une femme qui ne parle pas, ne boit pas, ne mange pas. À ta place, je la ramènerais où je l'ai trouvée.
—Ainsi ferai-je dès demain ! », déclara Oumar, vexé par ces propos.
Le lendemain soir en effet, il mena la mounou au bord de la rivière Falêmé : « Montre-moi de quel endroit de la rivière tu es sortie. » Elle lui désigna du doigt une place dans le fleuve. Alors, Oumar lui prit la main ; ils entrèrent ensemble dans l'eau et, dès qu'il en eut jusqu'aux genoux, il lui dit : « Retourne-t'en à l'endroit d'où tu viens ! »
La mounou continua d'avancer lentement jusqu'à ce que l'eau lui vînt à la poitrine. Alors, se tournant vers Oumar, elle lui répondi : « Tu n'as pas de chance !
—Pourquoi cela ?
—Tu m'as gardée deux ans chez toi et pendant ce temps j'ai été ta femme. Et puis tu t'es fâché contre moi. Tu dois cependant bien te douter que, si je suis restée aussi longtemps près de toi, c'est parce que cela ne me déplaisait pas. Maintenant j'ai un enfant de toi et voici que tu m'abandonnes. Si tu m'avais gardée jusqu'à la naissance de cet enfant, alors j'aurais commencé à parler avec toi et je t'aurais appris beaucoup de choses. À présent, tout est fini car tu es trop impatient. Adieu ! »
Elle disparut dans l'eau.
Oumar Fâno rentra dans sa case, plein de remords. Jamais plus il ne revit celle avec qui il avait vécu heureux.