Ils étaient partis sur le rivage et construisaient un grand
radeau. Le nom des frères courait à travers tout le pays, et les gens de tous les villages appelaient à venir voir le canoë. Les gens accouraient de partout et apportaient des noix de coco pour les frères. Les frères mirent les noix de coco sur le radeau. Ils prirent également des récipients avec de l'eau, car ils partaient en haute mer.
Ils s'enfuirent sur la mer salée, pour qu'elle boive leurs larmes, les larmes salées
d'amertume. Ils se plaignaient du roi, qui s'était montré
ingrat et égoïste. Il y avait beaucoup de noix de coco sur le radeau, mais cela faisait déjà beaucoup de jours que la mer transportait le radeau. Le Grand avait déjà mangé toutes ses noix de coco, maintenant le Petit donnait ses noix à son frère. Bientôt il n'y eut plus qu'une seule noix sur le radeau. Le Grand
gisait sur le radeau, et sa force s'épuisait.
Il dit au Petit : « Réjouis ton cœur, frère. Notre radeau ne va
voguer plus qu'un jour et une nuit, puis nous
aborderons une nouvelle île. Réjouis ton cœur, car tu ne mourras pas dans un village étranger, mais tu mourras là où nous sommes nés. »
Il s'allongea sur le radeau, et ses yeux regardèrent le soleil. Puis il s'endormit pour toujours. Le Petit chanta un chant
funèbre, et dans sa tête passèrent les chants et les odeurs qu'il avait partagés avec son frère. Puis il cassa la dernière noix, et le radeau, après une journée et une nuit, aborda sur la rive. Le Petit mit pied à terre, mais toutes ses forces avaient quitté sa tête, son corps et ses jambes. Il avait envie de dormir, de dormir longtemps.
Le long du rivage un homme et une femme se promenaient. Ils passèrent sur les jambes du Petit. Ils crurent qu'ils marchaient sur un arbre. Ils se penchèrent et virent que ce n'étaient pas deux branches, mais des jambes. Ils dirent : « D'où viens-tu, homme-arbre ? »
Le Petit se leva et alla avec eux dans leur cabane. Ils lui donnèrent une natte pour dormir et de la nourriture. Il mangea avec eux, il travailla avec eux. Quand la force revint dans ses bras et dans ses jambes, et quand sa tête fut plus claire, il dit à l'homme et à la femme : « Je veux parcourir votre île et voir de nouvelles choses et un nouveau pays. »
L'homme et la femme le laissèrent partir, mais ils lui dirent : « Tu arriveras à un endroit où se dressent deux rochers. Il te faut passer entre eux. Mais les rochers ne restent pas immobiles, ils sautent l'un contre l'autre
sans cesse. Seul celui qui a le pied rapide passe entre eux vivant ; celui qui a le pied lent, ils lui écrasent la tête comme une noix. »
Le Petit partit et découvrit de nouveaux villages. Puis il arriva devant les rochers.