Le géant se remet en marche. L'homme, à nouveau, s'agrippe de toutes ses forces aux saules et les lâche à chaque fois que le géant tire. Le géant trébuche encore et encore et finit par s'épuiser. Harassé par des heures de marche difficile, le géant arrive enfin à sa grande demeure. Il range l'homme debout près de l'entrée. Puis, exténué, il se couche sur la plate-forme qui lui sert de lit. Sa femme, géante elle aussi, voit la viande fraîche rangée dans l'entrée et va chercher du combustible pour raviver les flammes de la lampe à huile. Le pauvre homme ouvre discrètement les yeux pour voir ce qui se passe. Du coin de l'œil, il aperçoit la femme qui s'active. Il comprend qu'elle prépare le repas et que le repas ; c'est lui !
Les deux grands enfants du géant qui jouent à côté de l'homme le surprennent et s'écrient d'une même voix : « Père, notre dîner est tellement frais que ses yeux viennent de s'ouvrir ! » Vite, l'homme ferme les yeux et se fige. Le géant le regarde et répond : « Mais non, il est mort et bien mort. »
L'homme est vraiment effrayé et se demande comment il va pouvoir s'en sortir. Il ouvre à nouveau les yeux, le plus discrètement possible et, sans bouger la tête, cherche un moyen de s'échapper. Il aperçoit, sur le côté, la grande hache du géant.
« Elle est tout près, se dit-il. Si seulement je pouvais l'atteindre. » Tout doucement, il avance la main en tâtonnant. Les deux enfants le voient et s'écrient une nouvelle fois : « Père, notre dîner est tellement frais que sa main frémit encore ! »
Vite, l'homme remet sa main en place et se fige. Le géant, déjà couché sur la plate-forme, jette un coup d'œil et répond : « Mais non, il est mort et bien mort. Qu'on ne me dérange plus maintenant, allez jouer dehors ! La marche a été longue et difficile et je dois me reposer ! »