Une nuit, alors qu'ils dormaient profondément, pelotonnés dans une peau de caribou sur la plate-forme de l'iglou, ils furent réveillés en sursaut par un grognement effrayant. Taqqiq reconnut aussitôt ce bruit : c'était celui de l'ours. Il fallait réagir très vite. La grand-mère attrapa l'arc et la flèche posés près de ses bottes et les donna à Taqqiq :
« Prends cet arc et cette flèche. C'est l'occasion de tuer ton premier ours. Je vais t'aider à viser, tu n'auras qu'à te laisser guider. »
Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Le craquement de la glace retentit sous le poids de l'ours, tombé raide mort. Un large sourire illumina le visage de Taqqiq. Aussi fut-il surpris quand sa grand-mère lui dit, feignant d'être très en colère :
« Idiot ! C'est le chien que tu as tué ! Non seulement tu as manqué une proie superbe, mais en plus, tu nous prives de notre meilleur chien de traîneau. Tu n'es vraiment qu'un bon à rien ! »
La grand-mère voulait garder la peau et la viande de l'ours pour elle toute seule. Elle rêvait déjà du pantalon qu'elle pourrait se coudre dans cette grande peau blanche, moelleuse et si chaude. Elle tua le chien et fit cuire sa chair. À chaque repas, elle servait ainsi de la viande de chien à Taqqiq, pendant qu'elle mangeait l'ours avec Siqiniq.
Un soir, Siqiniq réussit à cacher de la viande d'ours sous sa parka et l'offrit en cachette à son frère :
« Tiens, Taqqiq, voilà de la bonne viande d'ours ! »
Taqqiq eut ainsi la preuve qu'il avait bien tué l'ours et que sa grand-mère était une menteuse, égoïste de surcroît. Il décida de se venger.
« Petite sœur, pourrais-tu me guider jusqu'aux falaises, demain matin ?
— Bien sûr, grand frère. »